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Roberto Rossellini et la Seconde Guerre mondiale : un cinaste entre propagande et ralisme Details

Entre 1941 et 1943, Rossellini a réalisé trois films pour la propagande fasciste. Mais il les a fait suivre, à la fin de la guerre, par trois autres films qui honorent le combat de la résistance italienne, et dénoncent les méfaits du nazisme. Une étude qui révèle un personnage contradictoire, fascinant, et qui permet, en filigrane, de voir apparaître cette Italie qui s'est globalement accommodée du fascisme, avant de prendre conscience des conséquences tragiques du totalitarisme et de la guerre.

Reviews

Avant de raliser ses trois films d' aprs-guerre noralistes (et communistes pour certains) : "Rome, ville ouverte" (1945), "Pasa" (1946) et "Allemagne anne zro" (1948), Roberto Rossellini mis en scne une trilogie de propagande fasciste : "Le navire blanc" (1941), "Un pilote revient" (1942) et "L'homme la croix" (1943). Comment se fait-il que cette trilogie est constamment passe sous silence, rejete d' un revers de main ddaigneux par les admirateurs rosselliniens comme tant des films de l'cole calligraphique (de la belle image) ; ce qui est faux. Rossellini dans un entretien* donn Eric Rohmer - celui qui influena la srie "Hlne et les garons" - et Franois Truffaut - celui qui repiqua les 3/4 de ses fameuses ides au film "Bonne Chance" (1936) de Sacha Guitry - rpondit la question : Dans "Le navire blanc" qui prcde de trois ans "Rome, ville ouverte", il n' y avait aucun acteur professionnel... c' tait du noralisme avant la lettre ? La rponse de Rossellini est : C' tait la mme position morale... Cette explication amne une certaine modration ou du moins un analyse froide. Roberto Rossellini n' est pas fasciste, n' est pas communiste mais est dmocrate-chrtien, comme Madame Boutin, il vient de la haute bourgeoisie romaine, est mari, a des enfants... et une matresse ; Rossellini aimait rappeler que Karl Marx sautait sa bonne.Pendant ces dictatures communistes ou fascistes, o tout art est contrl par un ministre de la propagande, faire ?uvre personnelle est difficile. Est-ce le cas de Rossellini ? Pas spcialement, car il veut tre un tmoin de son temps. Les bouleversements en Italie cette poque sont terribles. D' ailleurs Enrique Seknadje-Asknazi l' auteur du livre rappelle que si l' Italie de Mussollini serait reste neutre comme l' Espagne de Franco, elle aurait continu d' tre fasciste. L' entre en guerre en juin 1940, l' occupation nazie et la libration par les Allis changrent son destin. Mais en adepte d' une philosophie mortifre qu' est le christianisme, Rossellini est attir par les deux autres philosophies mortifres que sont le fascisme et le communisme. Le livre reste dans un premier temps sur la mise en ?uvre et la propagande fasciste des trois premiers films qui ont pour modle "Le cuirass Potemkine" (1925) de Serguei Eisenstein. Tout le monde sait que le fascisme a trouv son fondement (c' est le cas de le dire) dans le communisme (qui est donc un prfascisme). Mario Bava oprateur sur "Le navire blanc" (1941) est catgorique ; De Robertis, documentariste la base, superviseur du mme film, fut le vritable inventeur du noralisme et Rossellini lui a tout vol ; De Robertis est un mussollinien, il suivi le Duce dans la Rpublique de Sal. Reste que certains points ne sont pas trs claires. Notamment la relation amicale de Rossellini avec le fils de Mussollini, chef du Cinma italien. Le sujet de "Un pilote revient" (1942) est sign Tito Silvio Mursino, anagramme de Vittorio Mussollini, il est scnaris par une kyrielle d' auteurs dont Rossellini... et un certain Antonioni qui ne devait pas avoir ce moment l de problme d' incommunicabilit, matrice de son futur cinma sous bradypne. Par contre le lien catholique est bien dmontr entre le film fasciste "L' homme la croix" (1943) et le communiste "Rome, ville ouverte" (1945), dans les deux, il y a des prtres qui se sacrifient. Le noralisme qu' il soit d' obdience fasciste ou communiste adore les martyrs, toujours le ct mortifre.La seconde partie du livre traite des trois films d' aprs guerre, o l' on apprend que si "Rome, ville ouverte" n' a pas cot trs cher (11 millions de Lires), ce ne fut pas le cas de "Pasa" (55 millions de Lires). Le noralisme tait un style onreux cause de l' emploi d' acteurs non-professionnels et le tournage dans des dcors rels car les rglages taient longs, de rares exceptions, mme Sadoul et Godard en conviennent. Autre exemple, Enrique Seknadje-Asknazi dans ses notes rvle que "Le voleur de bicyclette" (1948) de Vittorio De Sica a t financ pour 70 millions de Lires (une bagatelle) par De Sica et un avocat la mode (le noralisme tait-il une mode ?)... Quant "Allemagne anne zro" (1948) et son enfant parricide qui se suicide (plus racoleur et misreux, tu meurs)... "Les assassins sont parmi nous" (1946) de Wolfgang Staudte - avec les prcautions d' usage, le ralisateur-acteur a fait parti de la distribution de "Le juif Sss" (1940) de Veit Harlan - est LE film de l' immdiat aprs-guerre qui oblige le peuple allemand se regarder en face.Si, pour moi, ces six films ne sont devenus que des objets de muse, je classerai toujours dans mes dix films prfrs au monde "Voyage en Italie" (1954) - George Sanders dans son autobiographie "Mmoires d' une fripouille" (1960) descend en flamme Roberto Rossellini et le film - dont nous possdons enfin une bonne copie, en attendant une sortie de "La peur" (1954) qui n' est pas loin de l' galer. Je rajoute "Les onze fioretti de Saint Franois d'Assise" (1950) o enfin le catholicisme de Rossellini s' exprime pleinement avec un peu d' humour. "Stromboli" (1950) est d' une lourdeur symbolique qui a azimute beaucoup de comdiennes. Viviane Romance dans son autobiographie "Romantique mourir" (1986) dcrit la dcouverte de son chteau en ruine - elle consacre le tiers du bouquin dcrire la rnovation de son maudit chteau - de la mme manire que Ingrid Bergman gravit le volcan. La volcanique Anna Magnani qui fut la matresse de Rossellini demanda sa revanche sur Ingrid Bergman avec "Vulcano" (1950) de William Dieterle. Le facteur Q est important chez le matre du noralisme.Dsol d' avoir t aussi long, mais le cas du soit-disant pre du noralisme - Jean Renoir avec "Toni" (1935) est le vrai pre du genre et Visconti en est le fils naturel, les autres... - si on essaie de le comprendre quivaut une vraie tempte sous un crne. Le livre de Enrique Seknadje-Asknazi ne fait que 250 pages pour nous clairer, il contient tout de mme en plus la filmographie du Romain et une bibliographie assez fournie concernant cette priode trouble...*Les extraits de l' entretien sont tirs de "Roberto Rossellini le cinma rvl" dans la collection "Petite bibliothque des Cahiers du cinma", page 70. Lire aussi les pages 230, 231 et 232 pour la fascination (comme Brasillach ?!) de l' esthtique fasciste (les chemises noires et les poignards ttes de mort) lorsqu' il tait enfant, et o il affirme qu' il n' a rien fait sur "Un pilote revient" (1942) en dehors d' tre l' assistant. Ce sont les seules pages sur la trilogie fasciste de Rossellini dans ce livre. Est-ce parce que les futurs cinastes de la Nouvelle Vague en ont fait leur matre penser ?